Obsolescence programmée

Ce poème a été publié dans le numéro #3 du F.Ü.D. (Fanzine à l’Usage du Débutant), d’avril 2017.

dans ma volonté de lumière
me glissant dans les diagonales
la main tendue le monde est mien

immense serait mon empreinte si je cheminais dans la boue
mais d’autres fous se souillent pour moi
qui souillent leurs mains
noircissent leur nom au nom du mien

je suis ton dieu
mon jour est bleu
rouge est ma nuit
les tiens sont gris
fermant les yeux
entre tes lèvres ouvertes je jouis

et je vois bien que dans mon règne sans partage
tes pupilles changent de texture
tes genoux pliés se déplient qui miracle ! sont criblés de vie
et sous tes orteils un tapis qui se déroule à l’infini
sables mouvants des intentions
œil du cyclone en inversion
tu escortes mes trajectoires d’une avant-garde de couleurs
mille yeux de chats inquisiteurs
hier encore le dos courbé tu ronronnais
désormais tu aiguises tes griffes dans un feulement de souris

sur l’échiquier des lendemains tu es le roi, je suis le pion
mais que crois-tu, pauvre fou
l’étoffe qui couvre ton dos n’est qu’un lambeau de trahison

et le mutisme dans mes temples quand la ville exulte de joie
on dépense ses procédés sans y regarder à deux fois
de nouveaux dieux à adorer
idoles électriques, mécaniques
dieux génétiques et atomiques
qui fossilisent mes lumières

une lame émoussée à la main l’homme prétend s’émanciper
être dieu de sa destinée
(alors je lui souris)

dans la pénombre des premiers temps
quand le grand tout était néant
déjà j’avais écrit ces lignes
nul dieu, jamais, n’est immortel
les messies sont des marionnettes et les prophètes des bandits
escrocs programmés pour durer le temps d’une éclipse en été

ô meilleur fruit de mon esprit je t’ai créé à mon image
et toi, pauvre fou arrogant
tu crois m’avoir fait à la tienne
et tu te voudrais éternel
mais avant même d’être né
pour toi et pour tous les soleils
obsolète est l’éternité